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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

courez aucun danger ; en ma compagnie vous seriez exposée à des inconvénients de toute sorte. D’autre part, votre présence m’enlevait la liberté de mes allures dans un moment où j’ai besoin de tant d’activité et de tant d’adresse pour me soustraire à mes ennemis. Vous comprendrez tout cela, j’en suis sûr, et quand nous nous reverrons, ce qui ne saurait tarder, je l’espère, vous ne témoignerez aucune rancune à H. C. »

Fanny relut deux fois ce billet ; puis elle s’écria avec un redoublement de colère :

— Il ne me dit pas où il compte se rendre… Le savez vous, madame ?

— Le voyageur ne s’est pas expliqué à ce sujet. Mais vous savez du moins où conduit la route qu’il a prise ?

— Ce chemin va d’abord à Jonzac, puis à Blaye, d’où l’on peut gagner Bordeaux par les bateaux de la Gironde.

— Bordeaux ! répéta Fanny avec agitation ; oui, oui, ce doit être cela. Nous ne pouvions, en effet, nous y rendre ensemble, car nous eussions été bien vite reconnus ; mais un trop grand intérêt l’appelle dans cette ville pour qu’il n’essaye pas d’y pénétrer seul et secrètement… Eh bien ! monsieur le vicomte, j’y serai aussitôt que vous !

L’hôtesse ne comprenait pas grand’chose à ces phrases entrecoupées ; d’ailleurs elle écoutait un bruit de voix qui s’élevait de l’étage inférieur. On parlait sur le ton de la colère et de la menace. Enfin, plusieurs personnes montèrent rapidement l’escalier, et comme la porte de la chambre de Fanny était entr’ouverte, un homme entra brusquement, sans s’inquiéter des protestations de la servante qui le sui vait tout effarée. On a deviné Raymond Fleuriot.

L’employé du télégraphe, après avoir reconnu sous le hangar la berline du vicomte, avait pénétré dans l’auberge, et une fille de service s’étant trouvée sur son chemin, il lui