Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Ah çà, reprit Fanny avec impatience, il semble que je vous demande une énormité !

— Madame ignore donc… je croyais… Il y a plus d’une demi-heure que le « monsieur » est parti à cheval avec le garçon du père Gachet.

— Parti ! s’écrią Fanny en pâlissant ; oh ! le lâche… le misérable !

Elle était tombée sur un siége et resta un moment accablée sans s’inquiéter de l’hôtesse qui la regardait en si lence.

Enfin elle se redressa et frappa du pied avec violence.

— Ah ! il croit se débarrasser ainsi de moi ! s’écria-t-elle ; je le poursuivrai, s’il le faut, jusqu’au fond de l’enfer !… Madame, procurez-moi des chevaux à l’instant… si l’on ne veut pas me les louer, je les achète… je les payerai ce que l’on voudra, mais je veux partir sans retard.

Elle pleurait, rugissait, trépignait comme un enfant en colère. L’hôtesse consternée disait en levant les yeux au ciel :

— Mon Dieu ! qui eût pu s’imaginer pareille chose ? Le monsieur parlait de son départ d’une manière si tranquille… Il nous a recommandé d’avoir grand soin de vous, et il a soldé toute la dépense. D’après ses ordres, des chevaux pour la voiture arriveront à huit heures et vous conduiront où vous voudrez aller… Comment supposer que tout cela n’était pas arrêté d’avance entre vous ? Et tenez, j’oubliais… Voici un papier qu’il m’a chargée hier au soir de vous remettre à votre réveil.

Elle tira de sa poche une lettre sans adresse, que Fanny s’empressa d’ouvrir, et qui contenait seulement ces quel ques lignes :

« Le parti que je prends ne manquera pas d’abord d’exciter votre colère ; mais, à la réflexion, vous reconnaitrez certainement combien il est sage. Seule, vous ne