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XV

Désappointement.


Durant le trajet de Puy-Néré à Barbezieux, Cransac s’était montré sombre et inquiet. Il n’adressait pas la parole à Fanny et se penchait fréquemment à la portière, soit pour s’assurer qu’on ne les poursuivait pas, soit pour ordonner à John de presser l’attelage. En arrivant à la ville, il se fit conduire à la poste, et, après avoir congédié le domestique, il demanda des chevaux afin de repartir sur-le-champ.

Ce fut seulement quand on roula sur la grand’route et quand on eut laissé derrière soi les dernières maisons de Barbezieux, qu’il parut tranquille. Toutefois il ne devint pas plus communicatif avec sa compagne, qui, nonchalamment appuyée dans l’angle de la voiture, l’observait à la dérobée. Elle finit par se lasser de ce mutisme opiniâtre, et, se re dressant tout à coup, elle demanda d’un ton dédaigneux :

— Vous plairait-il, Hector, de me faire savoir où vous me conduisez ainsi ?

— Parbleu ! ma chère, je vous conduis où je vais… à Paris, je crois ; n’est-ce pas là que nous sommes convenus d’aller ?

— À Paris ? Mais, vicomte, est-il bien prudent de nous y rendre… dans les circonstances actuelles ?

— Serait-il plus prudent de nous rendre à Bordeaux ?