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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

ret… Si donc vous voulez souper et coucher dans le pays, monsieur le voyageur, ajouta l’aubergiste d’un ton mielleux, vous ne sauriez trouver mieux que chez moi.

Fleuriot, horriblement désappointé, ne songea même pas à refuser cette invitation. D’ailleurs il était brisé de fatigue, et sa claudication, à peine sensible en temps ordinaire, semblait très-forte en ce moment. Aussi se laissa-t-il entraîner par l’hôte qui lui avait pris le bras sous prétexte de le soutenir, et il entra dans la maison.

L’auberge, malgré l’éloge qu’en faisait son propriétaire, était mal tenue et mal pourvue de toutes choses. Heureusement Fleuriot ne se montra pas difficile et, tandis qu’on préparait sa chambre, il fit honneur à un maigre souper.

Il espérait du moins se procurer quelques renseignements précis sur la voiture de poste ; mais ce sujet paraissait désagréable à l’aubergiste qui éludait ses questions. Fleuriot, découragé par l’insuccès de ses tentatives, remit donc au lendemain l’enquête à laquelle il comptait se livrer. Aussi bien, par cette nuit noire et dans ce village inconnu où tout le monde semblait déjà couché, aucune démarche n’eût eu de résultat utile.

À l’issue du souper, on le conduisit dans une chambre assez pauvrement meublée du premier étage ; mais les fenêtres de cette chambre donnaient sur la route où personne ne pouvait passer sans qu’il l’entendît. Cette circonstance plut à Raymond qui se promit d’être attentif au moindre incident. Puis, après avoir congédié à grand peine son hôte, qui s’attachait à lui avec la ténacité d’un aubergiste pour lequel le voyageur est une rareté, il se coucha à demi-vêtu.

En dépit de lui-même, il dormit d’un bon sommeil toute la nuit. Aux premières lueurs de l’aurore seulement il fut réveillé par un bruit de chevaux qui passaient au grand trot devant la maison. Il n’y avait là rien que de fort ordinaire, et Fleuriot, encore alourdi par la fatigue, ne se fût