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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

station. Par malheur, ses forces ne tardèrent pas à trahir son courage. Le soir approchait, et depuis le matin Fleuriot se livrait au plus violent exercice. Aussi son pas, d’abord si rapide, finit-il par se ralentir. D’ailleurs les trois lieues « de pays » se prolongeaient indéfiniment et représentaient six bonnes lieues ordinaires. Il marchait, marchait toujours ; les paysages succédaient aux paysages, les horizons succédaient aux horizons, et le village de Saint-Rémy ne se montrait pas.

Il était presque nuit lorsque le pauvre piéton atteignit enfin ce village tant souhaité. C’était un gros bourg, dont les habitations, disposées sur le bord de la route, n’étaient pas groupées d’une manière compacte, mais disséminées à une assez grande distance les unes des autres. Fleuriot, après avoir dépassé les premières, s’arrêta pour s’orienter et prendre les informations dont il avait besoin.

Apercevant une auberge d’assez modeste apparence, il s’en approcha. Sur un banc de bois, devant la porte, était assis un petit homme, en bonnet de coton bleu et rouge, qui se leva d’un air empressé.

— Monsieur, demanda Raymond, n’est-il pas passé ici aujourd’hui une berline de poste, contenant deux voyageurs ?

— Certainement, répondit-on avec un mélange de politesse et de raillerie ; et elle doit être loin si elle court toujours !

— Elle ne s’est donc pas arrêtée à Saint-Rémy ?

— Non, monsieur.

Le petit homme, qui n’était autre que le maître de l’auberge, poursuivit avec volubilité :

— Où donc aurait-elle pu s’arrêter si ce n’est chez nous ? L’hôtel de la Croix-Blanche est connu… Tous les rouliers d’Angoulême ou de Saintes descendent ici ; et la patache de Cognac y dîne à l’aller et au retour… Après la Croix-Blanche, il n’y a plus à Saint-Rémy qu’un méchant caba-