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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

nouvelles ne firent que la confirmer. Ce changement d’itinéraire ne semblait pas trop fàcheux, car Fleuriot devait trouver moins de difficultés à rejoindre la berline sur un chemin de traverse, sans relais et peu fréquenté, que sur une route de premier ordre telle que celle de Paris à Bordeaux. D’après les indications qui lui furent données, les chevaux de la poste précédente n’avaient pu s’avancer sur la route de traverse au delà d’un petit village appelé Saint-Rémy. En cet endroit, il fallait se procurer des chevaux chez les habitants, ce qui devait nécessairement entrainer des lenteurs, car on était en temps de vendange et les chevaux avaient fort à faire dans ce pays vignoble. Il s’agissait donc de partir sur-le-champ pour le village en question et de mettre à profit les retards inévitables qu’avaient rencon trés Cransac et sa compagne.

Mais lorsque Fleuriot, dans ce but, demanda un nouveau bidet, on le lui refusa. On alléguait que sa réclamation était contraire aux règlements ; que les chevaux de la poste avaient pour unique destination d’aller d’un relais à un autre et non de courir à l’aventure dans l’intérieur du pays. Vainement Raymond supplia, menaça, promit doubles et triples guides au postillon qui consentirait à l’accompagner ; tout fut inutile. La maîtresse de poste ne voulut rien entendre, et, comme une diligence pleine de voyageurs venait de s’arrêter devant l’auberge, elle tourna brusquement le dos à Fleuriot pour aller recevoir les arrivants.

Le pauvre garçon demeurait donc perplexe, quand la servante, qui avait peut-être remarqué sa noble figure, ses grands yeux noirs et sa taille bien prise, s’approcha d’un air de sympathie.

— Quelle distance y a-t-il, ma bonne fille, demanda Ray mond distraitement, entre l’endroit où nous sommes et le village de Saint-Rémy ?

— Trois lieues de pays, monsieur, répliqua la servante en lui adressant sa plus gracieuse révérence.