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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

çait à ressentir la fatigue autant que le besoin de nourriture. Il entra donc dans la salle basse de l’auberge pour prendre quelques rafraîchissements ; et, comme la fenêtre de cette salle donnait sur la cour, nul ne pouvait arriver ou partir sans être vu de lui.

Il expédia lestement son repas, et paya sa dépense, afin d’être prêt à tout événement. Il prêtait l’oreille au moindre bruit de la route, s’attendant à voir toujours paraître la berline ; mais plus d’une heure s’écoula encore sans qu’il vît personne.

Il semblait impossible que des voyageurs pressés eussent stationné si longtemps sur un point quelconque de la route. Sérieusement alarmé, Fleuriot, qui ne tenait plus en place, fit venir de nouveau la maîtresse d’hôtel et lui demanda l’explication probable de ce retard.

— Je n’y comprends rien, répliqua l’hôtesse ; si cette chaise de poste n’était pas aà destination de Paris, je croirais qu’elle a pris la traverse pour aller à Cognac ou à Saintes.

— Ah ! çà, madame, il existe donc une route de traverse où cette voiture aurait pu s’engager ? Où conduit cette route ?

— Je vous le répète, à Cognac et à Saintes, avec un embranchement sur Bordeaux. Mais comme elle n’a pas de relais de poste, et comme, d’autre part, vous êtes sûr que vos voyageurs se rendent à Paris…

Alors, pour la première fois Raymond fut frappé d’une idée. Ne se pouvait-il pas que ce voyage de Paris, annoncé publiquement, ne fût une ruse pour détourner les soupçons et donner le change à ceux qui voudraient se mettre à la poursuite de Cransac ? Fleuriot ignorait quels dangers attendaient le vicomte à Bordeaux et il ne répugnait nullement de croire que ses spoliateurs se fussent dirigés de ce côté.

Une fois cette idée entrée dans son esprit, elle prit promptement les proportions d’une certitude, et les informations