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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Aussi, pendant qu’on scellait la nouvelle monture et que l’on conduisait l’ancienne à l’écurie, Raymond s’informa-t-il de la berline qui le précédait. Elle avait passé une heure auparavant, et les gens de la maison parlaient avec admiration de l’air distingué du voyageur, de la beauté, de l’élégance de la voyageuse. De plus en plus rassuré, l’employé pressa les préparatifs de départ, et bientôt il eut la satisfaction de se trouver sur un cheval frais, franchissant l’une après l’autre avec rapidité les bornes kilométriques de la route royale.

Après avoir ainsi galopé longtemps, il lui sembla qu’il devait avoir considérablement gagné sur la berline, et il croyait l’apercevoir à chaque détour du chemin. Mais son attente était toujours déçue, et il atteignit le second relais sans avoir rencontré les voyageurs qu’il poursuivait avec tant d’acharnement.

Il espérait du moins les trouver à la maison de poste ; mais quand sa monture, haletante et couverte de sueur, vint s’arrêter devant l’écurie, comme avait fait la première, ce fut en vain que Fleuriot promena autour de lui un regard anxieux. Aucune voiture ne stationnait en cet endroit, aucun signe n’annonçait qu’une voiture eût passé récemment ou fût attendue.

Une femme sortit de la maison, qui était une auberge selon l’usage, et vint demander au voyageur ce qu’il souhaitait. Fleuriot s’informa avidement de la berline. On lui répondit qu’aucune voiture de poste, venant de Barbezieux, n’avait paru.

Raymond était stupéfait.

— C’est singulier ! reprit-il ; mais cette voiture a quitté le relais de R*** une heure au plus avant moi, et elle a dû arriver, à moins, ajouta-t-il avec humeur, que le diable ne l’aît mangée.

La femme, qui était la maîtresse d’auberge elle-même, répéta qu’on n’avait vu personne.