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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

bord du chemin, il l’invita par signe à s’arrêter. John obéit machinalement.

— Eh ! mon garçon, dit Fleuriot en affectant un air dégagé, vos maîtres nous ont quittés bien brusquement ce matin, et ils sont partis sans dire gare. Ah çà ! ne comptent-ils pas bientôt revenir ?

— Nô, nô, répliqua John avec son flegme britannique, le vicomte et la milady reviendront plus du tout. Mauvais pays, maison triste, gens stioupides ! Le notaire vendé le cottage et les meubles ; moâ vendé les chevaux et les har nais… Plus revenir absoliument !

— Fort bien ; alors vous perdez une bonne place, mon sieur John… à moins que vous ne deviez rejoindre vos maîtres plus tard ?

— Oh ! yes, moa rejoigné plus tard,

— Et où cela ? demanda Fleuriot de l’air le plus innocent possible.

— Milord féra écrire ioune lettré à moa. Nous allé en core à Paris, je suppose.

— À Paris ?… Ainsi c’est à Paris que va M. de Cransac ?… Et il a pris des chevaux de poste à Barbezieux, sans doute ?

— Oh ! yes.

— Et y a-t-il longtemps qu’il est parti ?

— Oh ! beaucoup ; moa s’était arrêté à le auberge pour boire du claret et du whisky… Monsieur le vicomte et la milady partis depuis longtemps.

Raymond en savait assez. Puisque ceux qu’il poursuivait ne s’étaient pas arrêtés à Barbezieux, il importait de ne pas leur laisser prendre trop d’avance, aussi ne mit-il pas beaucoup de cérémonie à congédier le groom anglais, et il continua son chemin.

Quelques instants plus tard il arrivait à Barbezieux. Le trajet qu’il venait de parcourir avec tant de rapidité lui eût rendu bien nécessaire une courte halte dans quelque au-