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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

trouva bientôt côte à côte avec lui, comme si le hasard seul eût produit ce rapprochement.

— J’ai à vous parler, lui dit-il tout bas.

— Bien, répliqua le banquier de même ; allez m’attendre chez moi.

Ce fut tout ; leurs lèvrés avaient remué à peine et leurs voix avaient été couvertes par le brouhaha de la foule. Per sonne surtout ne soupçonna que Cransac avait glissé dans la main du banquier un petit billet que Colman s’était empressé de cacher. Arrivés à la porte, tous deux, sans se saluer, sans même se regarder, s’éloignèrent dans des directions opposées.

Bien qu’il y eût assez loin de la Bourse à la demeure de Colman, Hector ne voulut pas prendre son tilbury, car la voiture eût pu éveiller l’attention des oisifs. Il ordonna donc au groom de continuer à l’attendre ; pour lui, il se mit en route à pied, et s’engagea sur ces interminables quais des Chartrons et de Bacalan qui longent une grande partie de Bordeaux.

Après une marche que la chaleur rendait fatigante, il tourna sur la gauche et pénétra dans une rue peu fréquentée, dépourvue de commerce, et qui ne paraissait contenir que des habitations bourgeoises. Le vicomte suivit une interminable muraille qui la bordait ; puis, s’arrêtant devant une porte basse et peu apparente, il tira une chaîne de bronze. La porte s’ouvrit aussitôt, et Hector, après être entré, s’empressa de la refermer avec le moins de bruit possible.

Il se trouvait maintenant dans le jardin de l’hôtel Colman, dont l’entrée principale donnait sur une autre rue. Le vicomte connaissait les êtres et il passait rapidement, quand une figure de duègne barbue apparut à la fenètre d’un pavillon, qui servait de loge de portier. Mais sans doute Cransac était considéré comme un ami de la maison, car la portière