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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Pauvre petite ! murmura-t-il.

Puis s’adressant à Morisset, fort ahuri par cette circonstance inexplicable, il lui dit avec volubilité : C’est ma sœur qui essaye de me remplacer, et je vous prie, Morisset, de monter bien vite la délivrer. Quant à moi, je vais en voyage pour une affaire qui intéresse au plus haut point notre administration. Pendant mon absence, entendez-vous avec Bascoux, afin que le service ne souffre pas.

Morisset tombait d’étonnement en étonnement.

— Miséricorde ! monsieur Fleuriot, s’écria-t-il, vous partez comme ça sans avoir obtenu congé ? Savez-vous que vous jouez gros jeu ?… Ensuite, vous serez, dans quelques jours, le beau-frère de l’inspecteur, et vous pouvez vous permettre bien des choses… Pas moins, ceux qui aiment la chasse vont se trouver enchaînés à la galère !

— Vous prendrez votre revanche à mon retour… si je reviens ! ajouta Fleuriot avec un sourire amer. Du reste, vous et Bascoux, vous vous partagerez mes appointements en mon absence, et vous aurez l’un et l’autre l’occasion de mériter l’avancement que vous souhaitez avec tant d’ardeur. Songez donc à bien remplir votre devoir… et surtout, par pitié, hâtez-vous de monter au télégraphe pour tirer de peine cette pauvre Lucile.

Morisset semblait avoir encore bien des questions à faire, mais Fleuriot ne les attendit pas ; il adressa à son camarade un signe d’adieu et partit.

Morisset le suivit un moment des yeux.

— Tout ça n’est pas clair ! murmura-t-il ; on dirait que M. Fleuriot médite un coup de tête… Ensuite ça le regarde ; qui sait si je ne vais pas cette fois passer employé de première classe ? Mais le plus pressé est d’aller délivrer la jeune demoiselle… Sans doute elle sera la femme de l’inspecteur, et il faut se faire des amis partout !