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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Sa mère semblait le guetter dans la salle basse, et quand il reparut équipé en voyageur, elle manifesta de vives alarmes.

— Raymond, mon cher enfant, demanda-t-elle, où donc vas-tu ainsi ?

— Ma sœur vous le dira… Adieu, ma mère !

Il embrassa la vieille femme avec un transport convulsif. Madame Fleuriot, de plus en plus effrayée, dit en le retenant par les mains :

— Tu me caches quelque chose, Raymond ; et je ne sais pourquoi j’ai peur… Encore une fois, où vas-tu ? quand seras-tu de retour ?

— Je reviendrai, répliqua Fleuriot ; adieu, bonne mère… et priez pour moi !

Il l’embrassa de nouveau, et, se dégageant de son étreinte, il s’éloigna d’un pas rapide, sans retourner la tête, quoique la pauvre femme le rappelai à diverses reprises.

Comme il sortait du village, quelqu’un l’arrêta an bord du chemin et s’écria d’un ton de stupéfaction :

— C’est-il Dieu possible !… voilà bien M. Fleuriot tout de même !

Raymond, en reconnaissant la voix de Morisset, s’était arrêté de même ; mais il n’adressa pas la parole à son camarade. Celui-ci, de son côté, le regarda fixement, puis se tourna vers le télégraphe, qui se trouvait à quelque dis tance, et poursuivit en secouant la tête :

Oui, c’est joliment drôle ! Nous voilà ici tous les deux et je viens de voir Bascoux en train de gauler des noix dans le clos de la mère Binet… Cependant la machine marche là-haut. Ah çà ! elle marche donc toute seule ? Ça sera bien commode pour les employés !

En effet, le télégraphe était en mouvement, bien que chaque signal s’opérât avec une pénible lenteur. Raymond sourit douloureusement.