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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Rien, répliqua Raymond avec une sombre ironie ; tu m’as perdu, tu m’as déshonoré… voilà tout. Ces misérables m’ont volé le livre des signaux.

— Grand Dieu !… Mais, voyons, voyons, Raymond, soyons calmes… Et si Vincent avait été trompé au sujet de cet homme et de cette femme que nous avons connus seulement sous des rapports honorables ? Si vraiment ils voulaient faire de ce manuscrit la base des réclamations que le vicomte doit présenter en ton nom à l’administration centrale ? Il y a bien des obscurités dans les accusations de Georges.

— Pauvre innocente, conserves-tu de telles illusions ? Des honnêtes gens qui viennent la nuit (car ce ne peut être que la nuit dernière) dérober un objet si précieux, et tout cela pour rendre service à de malheureux campagnards comme nous ! C’est à en mourir de rire. Non, Lucile, ou je me trompe fort ou ce qui arrive est un coup longuement médité, le résultat d’une odieuse intrigue préparée depuis longtemps. En rapprochant certaines circonstances… Mais, de par tous les démons ! ajouta-t-il dans un transport de rage, je ne me laisserai pas ainsi dépouiller ! Cette vengeance que je n’ai pu exercer contre Ducoudray, je l’exercerai contre ces intrigants, encore plus méprisables que lui ! Et il se dirigea vers la porte de la cabane. Raymond, mon cher Raymond, où vas-tu ?

— Je veux me mettre à leur poursuite ; ils ne peuvent être loin encore ; je ne tarderai pas à les rejoindre ; je tuerai cet infâme aventurier, j’écraserai de mon mépris son abominable compagne, et je leur reprendrai ce livre qu’ils m’ont volé… Oui, ma sœur, ajouta Fleuriot énergiquement, ou je reviendrai avec mon manuscrit ou tu ne me reverras jamais !

— Ce projet est insensé, dit Lucile en joignant les mains ; Raymond, mon frère chéri, réfléchis, je t’en conjure… Tu ne peux quitter ton poste ; une absence non