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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Tu as fait cela ? demanda Fleuriot, dont les yeux brillaient.

Cependant il se contint et ajouta avec un calme forcé : J’aurais le droit de t’adresser de durs reproches, Lucile ; mais je te pardonnerai tout si tu consens à me répondre avec la plus entière franchise : Soupçonnerais-tu l’endroit où j’aurais pu cacher ce manuscrit, et as-tu communiqué tes suppositions à cette femme ?

— Eh ! mon frère, puisque le livre n’était plus à la maison, où donc aurais-tu pu le cacher sinon ici, à la tour Verte, et sans doute dans cette salle que l’on appelle le cachot de la Naz-Cisa ?

— Et tu as donné ce renseignement à la marquise ?

— Pourquoi aurais-je fait mystère d’une circonstance aussi simple ? demanda naïvement Lucile.

Fleuriot ne dit rien, mais pâlit et alla chercher dans un coin obscur de la loge une grosse clef qu’il y avait déposée. Puis il sortit en courant et traversa la plate-forme, et on l’entendit descendre précipitamment l’escalier roide et obscur de la tour.

Lucile était restée, éperdue et tremblante, à la même place, ne comprenant rien à ce qui lui arrivait. Du reste l’absence de son frère ne fut pas longue ; bientôt il reparut haletant, et les traits décomposés.

Il n’avait pas eu de peine en effet à constater le vol. N’ayant pu introduire la clef dans la serrure du cachot, il s’était assuré que cette serrure avait été bourrée à dessein de corps étrangers, et les flots d’huile répandus sur les ferrements avaient trahi d’une manière précise le travail des spoliateurs. Enfin un morceau de l’enveloppe qui avait servi à protéger le manuscrit et que le vicomte, en se retirant, avait laissé tomber par mégarde dans un coin de l’escalier, avait été trouvé par Fleuriot et ne permettait pas de douter du fait.

— Qu’as-tu donc ? que s’est-il passé ? demanda Lucile.