Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

ami, qui les a beaucoup connus autrefois l’un et l’autre, et qui m’a donné les informations les plus sûres à leur sujet. Aussitôt la présente reçue, rompez toute espèce de relations avec ces personnages plus que suspects ; ma douce et charmante Lucile doit surtout éviter comme la peste l’aventurière qui prend le titre de marquise de Grangeret. Je ne m’étais pas trompé lorsque, trouvant cette femme chez vous, j’avais cru la reconnaitre. C’était bien la Fanny que j’avais vue autre fois. Alors, comme aujourd’hui, elle s’appelait tout simplement Fanny Grangeret ; elle n’a jamais été marquise ; elle n’est ni sœur ni parente de marquis à aucun degré. Pour ce qui touche ce M. de Cransac, son nom et son titre lui appartiennent réellement, mais il n’a plus que cela. Il a gaspillé en folies une grande fortune, et depuis longtemps il se livre à des mancuvres de bourse, à des spéculations véreuses, et peut-être à des escroqueries. Je ne peux m’expliquer la retraite où il vit à Puy-Néré, avec sa digne compagne, que par le désir de se faire oublier l’un et l’autre à la suite d’un acte honteux, à moins qu’ils ne soient là pour ourdir quelque intrigue où vous pourriez vous trouver vous-mêmes enlacés. Je n’ose rien affirmer encore ; mais le billet découvert sur le pigeon voyageur et qui contenait les numéros sortis le jour même à la loterie de Paris, pourrait avoir été écrit dans votre voisinage ; et, d’après certains indices, je soupçonne fort Cransac d’en être l’auteur. Il y a encore, je le répète, bien des doutes et des obscurités dans tout ceci, mais je suis rappelé à Paris, où l’employé Brandin vient d’être arrêté, et la lumière ne peut manquer de se faire promptement. Jusque-là vous avez des raisons plus que suffisantes pour vous tenir soigneusement en garde contre ces vilaines gens. »

Après la lecture de cette lettre, le frère et la sœur n’osaient ni parler ni même se regarder. Chacun craignait les