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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

congé ; la maison sera fermée d’ici à quelques jours, et l’on suppose que des ordres ont été donnés au notaire pour la mettre en vente… Le pays va retomber dans la morne tristesse où il se trouvait avant le trop court séjour de la marquise et du vicomte parmi nous.

— Ah ! nous sommes maudits ! murmura Raymond avec découragement.

Il reprit bientôt d’une voix plus ferme :

— Je dois l’avouer cependant, ma sœur, que je ne le voyais pas avec plaisir, toi, pauvre fille, destinée à devenir la femme d’un modeste employé, fréquenter ainsi une riche et noble dame ; cela pouvait à la longue te donner des idées contraires à ta condition… Du reste, ajouta-l-il en s’efforçant de sourire, tu ne peux manquer de trouver bientôt des consolations à son absence. M. Vincent sera de retour à la fin du mois, vous vous marierez, et…

— Monsieur Vincent ! répéta la jeune maîtresse d’école, tu me rappelles, mon frère, pourquoi je suis montée ici… Le facteur rural vient de me remettre pour toi une lettre que je crois être de M. Georges, et je me suis empressée de te l’apporter.

— Oui, et tu comptes sans doute que, dans cette lettre à mon adresse, se trouveront beaucoup de choses à ton intention ? C’est bien naturel, ma chère Lucile ; et, j’en conviens maintenant, j’ai craint plus d’une fois que les propos musqués de ce vicomte de Cransac ne te fissent oublier cet excellent Georges.

— Si l’on peut dire, répliqua Lucile un peu piquée et en rougissant ; vraiment, Raymond, je restais beaucoup plus indifférente aux compliments du frère que toi aux attentions marquées de la sœur.

Fleuriot ne répondit pas. Comme le télégraphe lui laissait du loisir en ce moment, il prit la lettre apportée par Lucile et, après l’avoir décachetée, il en fit rapidement la lecture.