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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Pendant que Fleuriot s’abandonnait à ces réflexions, un regard instinctif jeté sur le poste télégraphique dont il de vait répéter les signaux lui apprit que la machine venait de se remettre en mouvement, et il rentra dans la cabane pour s’acquitter de sa besogne ordinaire. La dépêche passée, il se hâta de retourner sur la plate-forme, afin d’apercevoir encore une fois la voiture qui emportait les voyageurs ; mais depuis longtemps déjà la voiture avait disparu dans l’éloignement.

Plusieurs heures s’écoulèrent, et le moment approchait où, selon le règlement du service, Morisset devait venir remplacer son collègue au télégraphe. Raymond entendit marcher sur la terrasse de la tour Verte ; mais ce n’était pas Morisset, c’était Lucile Fleuriot qui, tout essoufflée par son ascension rapide, entra dans le bureau.

La pauvre enfant n’avait pas l’air souriant et ouvert qui lui était habituel ; ses yeux étaient rouges de pleurs ; elle se laissa tomber sur l’unique siége de l’étroite cabane, et, pendant que son frère lui adressait un signe amical, elle lui dit avec tristesse :

— Eh bien, Raymond, tu connais la nouvelle ? Ils sont partis ce matin… partis sans nous accorder un signe de souvenir, une parole d’adieu !… Ah ! ton refus les a mortellement offensés et ils ne nous pardonneront jamais d’avoir méconnu leur dévouement !… Tout le village est dans la consternation ; les petits enfants de l’école ont pleuré à chaudes larmes en apprenant qu’ils ne reverront plus la « belle dame » qui leur prodiguait les jouets et les bonbons. Et toi, mon frère, ta conscience ne te reproche-t-elle rien !

— Rien, Lucile, répliqua Raymond.

Il reprit après un moment de silence :

— Sait-on du moins où ils sont allés et s’ils ne revien dront pas bientôt.

— Ils ont annoncé qu’ils se rendaient à Paris, et sans doute ils ne reviendront plus. Les domestiques ont reçu