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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Le délai fixé par Cransac n’était pas expiré que la Parisienne, en costume de voyage, arrivait dans la cour avec ses cartons et ses paquets. En un clin-d’œil tout fut chargé, et les voyageurs, après avoir donné leurs dernières instructions aux domestiques, montèrent en voiture.

— Quelle route prend monsieur ? demanda John qui était déjà sur son siége.

— Conduis-nous à la ville, où nous trouverons des chevaux de poste pour Paris.

— Cela fut dit très-haut, de manière à être entendu des gens qui se tenaient à quelques pas.

On partit, et, comme l’on s’éloignait du village, Fanny se pencha à la portière pour jeter un dernier regard sur la tour. Une personne, appuyée contre un créneau de la plate-forme, les observait avec curiosité.

Nous laisserons donc les voyageurs poursuivre leur route, et nous dirons ce qui se passait au télégraphe de la tour Verte.

Raymond Fleuriot devait être de service jusqu’à midi, et une partie de la matinée s’était écoulée pour lui dans une solitude profonde. Absorbé par les devoirs minutieux de son emploi, il n’avait guère le temps de s’occuper des événements extérieurs. Cependant, c’était lui qui, penché sur le parapet de la tour, dans un moment où le télégraphe était au repos, avait vu le vicomte et sa prétendue sœur quitter Puy-Néré. Ce départ, dont il suivit avec anxiété tous les détails, l’attrista profondément.

Elle s’éloigne irritée et mécontente, sans même nous dire adieu ! murmura-t-il d’un air accablé ; ah ! j’ai mérité sa haine et sa colère… J’entends encore sa douce voix quand hier elle me suppliait, les larmes aux yeux, de lui confier ce manuscrit qui peut seul établir la justice de mes réclamations. Quel charme dans son accent, dans son sourire ! Nul ne saura jamais combien l’honneur et le devoir m’ont imposé de douloureux sacrifices !