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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

vous craignez par trop les éclats de colère de votre amoureux transi.

— Que signifie ceci, monsieur ? Ne m’avez-vous pas dit hier au soir que le voyage était ajourné ?

— Je vous l’ai dit hier au soir en effet, mais j’ai changé d’avis ce matin… Et si vous voulez connaitre la cause de ce changement, lisez, avant que je la déchire, la première dépêche que je viens de traduire au moyen du livre de notre ami : elle vous édifiera suffisamment, j’imagine, sur la situation.

Il lui présenta le papier contenant sa version télégraphi que : la dépêche était ainsi conçue :

« Ordre à M. le procureur général de Bordeaux de faire arrêter sur-le-champ et d’envoyer à Paris le nommé Hector de Cransac et ses complices, accusés d’escroqueries nombreuses et de corruption envers un fonctionnaire public. »

Fanny était atterrée.

— Eh bien ! qu’en pensez-vous ? demanda le vicomte avec ironie ; l’expérience est gentille, n’est-ce pas ? Est-ce clair ?… « Et ses complices, » avez-vous bien compris ce petit détail, ma chère ? « ses complices, c’est-à-dire tous ceux qui sont en rapport immédiat avec ma personne, qui partagent le produit de mes opérations… Maintenant vous savez à quoi vous êtes exposée, si l’on vous trouve en ma compagnie ; choisissez le parti qui vous conviendra le mieux.

La jeune femme réfléchit quelques secondes :

— Je pars, dit-elle enfin d’un ton résolu.

— En ce cas vous avez dix minutes pour vous préparer. Quant à écrire des lettres, à faire des adieux, il n’y faut pas songer. M. le procureur général se montrera sans doute expéditif ; il importe que ce soir je sois loin d’ici et qu’on ait perdu complétement mes traces.

— Il suffit ; je serai prête.