Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

que Cransac ne tarda pas à trouver un sens non-seulement raisonnable, mais encore vraisemblable à sa version. En revanche, à mesure qu’il avançait dans sa besogne, il se montrait vivement agité. Il devenait pâle, une sueur froide mouillait son visage. La traduction achevée, il s’assura encore de la valeur de certains signaux et en fit l’objet d’une étude approfondie ; toujours même résultat désolant.

Cransac se leva, le front crispé, et se promena dans son cabinet d’un pas irrégulier. Tout à coup il parut prendre son parti ; il serra précipitamment le livre des signaux, se couvrit de ses habits de voyage, et acheva de remplir les malles commencées la veille. Puis, après avoir fermé serrures et cadenas, il descendit à l’écurie, et appelant John, il lui commanda d’atteler sur-le-champ les chevaux à la berline.

John, qui venait de s’éveiller, voulut demander quelques explications ; un geste énergique lui ferma la bouche, et le domestique se mit en devoir d’obéir.

Alors le vicomte remonta à sa chambre, afin de prendre ses dispositions dernières et de s’assurer qu’il ne laissait aucune trace de ses menées coupables à Puy-Néré. Ayant fait soigneusement disparaître tout ce qui eût pu fournir plus tard des armes contre lui, il allait sortir, quand Fanny, qu’il semblait avoir complétement oubliée, entra dans la chambre.

Sans doute la jeune femme venait d’être prévenue à l’instant de ce départ subit, car elle était encore en robe du matin, en pantoufles et en papillottes. Elle se posa devant Cransac et lui dit d’une voix irritée :

— Quoi donc ! monsieur, comptez-vous partir sans moi ?

Sa présence ne parut pas alarmer et embarrasser Hector autant qu’elle s’y était attendue peut-être.

— Ah ! c’est vous, Fanny ? dit-il avec distraction ; ma foi ! vous êtes libre de me suivre si c’est votre idée et si