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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

rer que le livre des signaux est toujours à sa place, il éprouvera quelque difficulté à réussir. Il n’existe plus d’autre moyen de pénétrer chez madame Naz-Cisa que de briser la porte… Et la chose ne sera pas aisée, comme vous voyez,

Ils descendirent l’escalier tournant et, après avoir éteint la lanterne, ils ne tardèrent pas à se retrouver en plein air.

Alors Fanny respira longuement et releva la tête, comme si elle venait d’échapper à un affreux cauchemar. Au fur et à mesure que l’on s’éloignait de la vieille tour, elle semblait se ranimer ; elle parlait avec vivacité et paraissait toute prête à rire des terreurs qui l’obsédaient peu de minutes auparavant.

En retournant au Château-Neuf, Cransac et sa compagne aperçurent, dans le village endormi, cette unique lumière qui les avait frappés déjà.

— Voyez, dit Fanny d’un ton moqueur, il est encore au travail… il est capable de gagner vingt sous cette nuit, pendant que nous venons de conquérir une fortune à ses dépens !… Ah ! je suis bien vengée !

— Vengée… de quoi ?

— De sa résistance insultante à mes supplications. J’avais en moi-même une confiance qu’il a détruite, et c’est là une de ces offenses que nous ne pardonnons guère… Mais vous, Hector, je ne vous trouve pas aussi joyeux et aussi fier que vous devriez l’être, quand nous avons réussi au delà de nos espérances !

En effet, plus la jeune femme devenait expansive et causeuse, plus Cransac, les premiers moments passés, se montrait sombre et rêveur.

— Fanny, reprit-il d’une voix sourde, j’ai beau faire, je ne saurais oublier que ce malheureux jeune homme, qui veille là-bas pour gagner son pain et celui de sa famille, m’a sauvé récemment de la plus hideuse des morts !

— Bon ! encore cette soite histoire de chien enragé ! Sur ma foi, Hector, vous avez trop de goût pour l’anecdote et