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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Fanny éprouva un tressaillement horrible. Avant qu’elle eût pu comprendre de quoi il s’agissait, Cransac lui arracha la lanterne, et courut vers une espèce de niche pratiquée dans le mur et dont il était assez diffficile de deviner l’usage primitif. Cette niche contenait un objet peu volumineux, enveloppé d’une toile grossière, dont le vicomte s’empara. Écartant la toile par un mouvement brusque, il mit à découvert le livre des signaux.

Après s’être assuré qu’aucune erreur n’était possible, il laissa éclater sa joie.

— Colman est un grand homme ! s’écria-t-il, et décidément ce Fleuriot, malgré sa défiance, n’est pas de force à lutter contre nous… J’ai conquis la lampe merveilleuse ; maintenant qu’Aladin vienne la reprendre !

Et il glissa le livre dans la large poche de son pardessus.

— Eh bien ! Hector, reprit Fanny avec une agitation fébrile, puisque nous possédons enfin ce que nous cherchions, rien ne nous retient plus ici.

— Peureuse ! Il suffit d’une mise en scène de mélodrame, d’un bout de vieille légende à revenants pour vous faire pâlir et trembler, vous qui, je le sais, braveriez courageusement des dangers plus réels… Mais vous avez raison, ma chère, il ne nous reste rien à faire ici, et je ne tiens pas plus que vous à prolonger notre séjour dans ce riant appartement de la belle Naz-Cisa.

— Laissez donc cette pauvre femme en paix, dit Fanny d’une voix étouffée.

Elle voulut sortir la première du cachot, et elle tint encore la lanterne pendant que Cransac refermait la porte avec soin. Mais cette précaution ne suffit pas au vicomte ; après avoir retiré la clef qu’il remit dans sa poche, il alla chercher des graviers et des petits morceaux de bois dont il bourra le trou de la serrure.

— Et maintenant, reprit-il avec satisfaction, si maître Fleuriot, en montant au télégraphe, a la velléité de s’assu-