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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Château-Neuf de Puy-Néré, je suis aussi propriétaire de la tour Verte. Or, dans le chartier où j’ai découvert le manuscrit contenant la légende de Naz-Cisa, j’ai découvert de même un vieux trousseau de clefs dont vous voyez l’usage… Mais tout sera remis en question si je ne parviens à ouvrir la porte du cachot, comme j’ai ouvert celle de la tour. Montons.

Il s’engagea sur les degrés de pierre, usés par le passage de bien des générations, et Fanny le suivit. Du reste, leur ascension ne fut pas longue. Vers la douzième ou quinzième marche, ils rencontrèrent dans un angle de l’escalier, une porte de chêne, toute cuirassée de gros clous à tête carrée, sur lesquels la rouille n’avait pu mordre. C’était là l’ancien cachot de Naz-Cisa, suivant la tradition ; c’était aussi le réduit où l’on conservait les pièces de rechange du télégraphe, et où l’on supposait que Raymond Fleuriot avait caché son livre des signaux.

Le vicomte et Fanny s’arrêtèrent devant cette porte. Au moment de tenter l’épreuve décisive, ils ne parlaient plus et leurs cours battaient d’anxiété. Cransac ayant chargé sa compagne de tenir la lanterne, tira de sa poche une énorme clef, à laquelle pendait une étiquette en bois dont l’inscription était illisible. Il s’empressa d’introduire cette clef dans la serrure, la même peut-être qu’au temps de Naz-Cisa, et essaya d’en faire jouer les solides ressorts. Mais, bien qu’il y employât toute sa vigueur, le pène colossal demeura immobile dans sa rainure.

— C’est étrange ! dit Cransac après de longs efforts ; cette clef est pourtant la véritable et je sais que les employés du télégraphe ouvrent fréquemment cette porte. Or, s’ils y parviennent, pourquoi n’y parviendrais-je pas comme eux ? S’asseyant sur une marche, il enleva soigneusement la rouille et les corps étrangers qui remplissaient les sinuosités de la clef ; puis il la frotta avec de l’huile tirée d’un flacon dont il s’était muni.