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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

de l’exaspérer. Le mari malheureux fut souvent sur le point de la tuer ; mais toujours un sentiment de pitié, le souvenir de son ancien amour pour elle, l’empêchaient de céder aux transports de sa colère. Cependant, une fois, elle l’irrita par des épithètes tellement offensantes, par des outrages si directs, que le sire de Puy-Néré résolut d’en finir avec elle. Ne voulant pas la frapper avec son poignard ou la laisser mourir de faim, il s’avisa d’un moyen nouveau pour se venger… Quel était ce moyen ?… Je vous le donnerais en cent, je vous le donnerais en mille, ma chère, que vous ne le de vineriez pas ! »

— Eh ! que m’importe, monsieur ! répliqua Fanny avec un ton d’indifférence qui cachait une curiosité très-réelle.

— Eh bien ! voici la fin de l’histoire : Naz-Cisa, depuis qu’elle était enfermée dans un cachot, où, selon l’usage de ces sortes de lieux, il ne faisait pas très-clair, ne s’était pas vue, et elle n’avait pas une idée bien nette du changement opéré dans sa figure. Son mari lui apporta une bougie allumée et un petit miroir de Venise. La coquette, en recevant ces deux objets, n’eut rien de plus pressé que de chercher dans le miroir ses traits autrefois si beaux, et elle en oublia d’injurier le pauvre sire comme de le remercier. Mais, àà peine eut-elle regardé son visage dans la glace et aperçu le trou sanglant qui remplaçait son célèbre nez, qu’elle poussa un cri effroyable et tomba roide morte.

« Depuis ce temps le château a été démoli, la race des sires de Puy-Néré n’existe plus. Cependant les gens des environs sont prêts à jurer que Naz-Cisa, qui est morte sans confession et en état de péché mortel, revient encore chaque nuit dans le cachot de la tour Verte. Ceux qui l’ont vue affirment qu’elle apparaît sous la forme d’une belle femme, vêtue d’une robe blanche, mais défigurée par une plaie béante au milieu du visage ; d’une main elle tient un cierge allumé, de l’autre un miroir dans lequel elle se regarde en poussant des cris lamentables. Ceux qui ne l’ont pas vue affirment le