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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

fort sensibles ; les planchers criaient sous les pas, les portes grinçaient bruyamment. Aussi Fanny n’eut-elle pas de peine à s’assurer que le vicomte, après être sorti de sa chambre, descendait l’escalier et ouvrait la porte du jardin. Prompte comme l’éclair, elle jeta sur ses épaules un châle qu’elle avait disposé à cet effet, couvrit sa tête d’un foulard qu’elle arrangea en marmotte, et descendit précipitamment à son tour.

Dans le jardin, elle aperçut quelqu’un qui marchait le long des allées mal entretenues et se dirigeait vers une petite porte donnant sur la campagne. Elle se mit à courir, et au moment où Cransac allait refermer la porte, elle lui dit tout à coup de sa voix la plus doucereuse :

— Où donc allez-vous à pareille heure, mon cher vicomte ?

Cransac s’était retourné furieux et menaçant.

— Encore vous ! s’écria-t-il ; cet espionnage m’obsède et….

Mais, se ravisant aussitôt, il partit d’un éclat de rire. Vous êtes vraiment pétrie de malice et d’obstination, Fanny, poursuivit-il ; qui se serait attendu à vous trouver là !… Eh bien, puisque vous voulez voir, vous verrez ; puisque vous voulez venir, venez… Vous aurez moins d’agrément dans cette aventure que vous ne l’espérez peut-être…

Fanny ne se fit pas répéter cette invitation et se glissa hors du jardin. Ce fut seulement quand elle se trouva dans un chemin creux, en pleine campagne, qu’elle demanda avec une vague inquiétude :

— Où me conduisez-vous, Cransac ?

— Parbleu ! à la tour Verte… C’est dans cette masure qu’est cachée la lampe merveilleuse de notre Aladin du télégraphe, et je vais voir s’il n’y aurait pas moyen de s’emparer du précieux talisman.

— Y pensez-vous. Hector ? Comment entrerons-nous ?

— Ceci me regarde… Du reste, ma chère, je dois vous