Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

la châtelaine mécontente, était très-intimidée. De son côté, Fanny, absorbée par ses réflexions, ne trouvait plus rien à dire. Aussi, après quelques instants de conversation languissante, se séparèrent-elles avec une sorte d’embarras.

Fanny, à peine rentrée au Château-Neuf, s’empressa de se rendre au cabinet de Cransac. Le vicomte s’y trouvait et se promenait avec agitation. Par la fenêtre ouverte, on apercevait le télégraphe en mouvement ; mais Cransac ne faisait pas ses observations ordinaires et ne songeait pas à noter les signaux, devenus aussi inintelligibles pour lui que pour le commun des hommes.

Aussitôt que Fanny parut, il vint précipitamment au-de vant d’elle.

— Eh bien ! demanda-t-il, avez-vous vu la petite ?

— Oui.

— Et vous n’avez pas réussi, malgré vos ruses féminines ?

— Votre habileté masculine eût échoué de même, Hector.

Et Fanny lui apprit en peu de mots ce qui venait de se passer. Le vicomte demeura un moment pensif, puis il dit d’un ton ferme :

— Allons ! le coup est décidément manqué, et nous ne viendrons jamais à bout de cet idiot têtu. Fanny, il faut quitter ce pays au plus vite ; et peut-être y sommes-nous déjà trop restés.

— Hector, Hector, ne me parlez pas d’abandonner Puy-Néré sans emporter ce livre !

— Je suis pourtant déterminé à ne partir qu’avec vous, Fanny. Je vous l’ai dit déjà bien des fois, nous sommes liés l’un à l’autre, et vous partagerez mon sort, quel qu’il soit, jusqu’à la fin de l’entreprise commune.

Fanny serra les lèvres avec un frémissement de colère, cependant elle reprit d’un ton calme, après une assez longue pause :