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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

de longues heures de travail. Or Raymond, comme employé de première classe, a la garde de ce réduit, et pourquoi n’y aurait-il pas déposé ce livre auquel il attache une si grande valeur ?

— Les autres employés n’y pénètrent donc pas ?

— Jamais ; Raymond en a la clef, et il la cache sans doute dans quelque crevasse de la tour, car elle est encore plus lourde et plus massive que celle de son armoire… Plus j’y pense, plus je suis certaine de ne pas me tromper. Il ne s’est pas absenté depuis hier que vous avez vu le livre entre ses mains ; il ne l’a ni brûlé, ni déchiré, ni confié à personne, ni envoyé nulle part… Il faut donc qu’il l’ait porté dans le cachot de la Naz-Cisa ; là seulement, avec sa défiance ombrageuse, il a pu le croire en sûreté.

Fanny demeurait consternée ; s’être tant approche du but et le voir reculer tout à coup à une immense distance ? Néanmoins, comprenant le danger de montrer son désappointement, elle reprit bientôt avec une gaieté forcée : Allons ! ma chère, il faut y renoncer. Comme nous n’avons pas vingt hommes armés de haches pour enfoncer le donjon où M. Fleuriot a enfermé son trésor, nous ne pouvons entreprendre cette conquête… Mais ne restons pas davantage dans cette chambre. Il n’est pas convenable…

— Oui, oui, madame, redescendons, dit Lucile avec em pressement, en remettant tous les meubles en ordre, et en effaçant la moindre trace de cette visite ; Raymond ne doit pas savoir la tentative que je viens de faire ; ce serait l’irriter gratuitement… Mais je ne renonce pas encore à l’espoir de le fléchir ; je lui parlerai, je lui ferai parler par notre mère, pour laquelle il a tant de tendresse et de respect.

— Cela vous regarde, ma chère, répliqua la soi-disant marquise avec froideur.

Et elles redescendirent dans la salle basse. Lucile, voyant