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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

moment d’ouvrir, elle fut prise d’un nouvel accès de frayeur.

— Mon Dieu ! madame, dit-elle, croyez-vous vraiment que mon frère pourra me pardonner ce que je vais faire ? La marquise lui répéta ses encouragements et ses promesses.

— Allons ! dit Lucile avec effort, vous êtes meilleur juge que moi dans cette affaire, car toutes mes idées sont boule versées… Puisse Dieu me pardonner si j’agis mal !

Elle enfonça la clef dans la serrure, ouvrit brusquement les battants de l’armoire, et les deux femmes plongèrent avec avidité leurs regards dans l’intérieur du meuble.

Il contenait du linge, des vêtements et plusieurs objets d’équipement militaire, tels que pompon avec le numéro du régiment où Fleuriot avait servi, épaulettes de sergent-major, dont une était percée d’une balle ; enfin, une gourde que l’ancien soldat avait portée dans toutes ses campagnes. On y voyait aussi une belle paire de pistolets modernes, présent d’un officier auquel Fleuriot avait sauvé la vie dans une rencontre avec les Arabes ; puis des états de service, des paperasses et plusieurs journaux, qui sans doute rendaient compte des combats auxquels Raymond avait pris part. Mais ce n’était pas tout cela que cherchaient les deux femmes émues et frémissantes ; c’était le livre des signaux, qui devait se trouver dans cette armoire… et il ne s’y trouvait pas.

Après un examen attentif, Lucile dit avec une vivacité qui ressemblait singulièrement à de la joie :

— Il n’y a rien… Le livre a disparu.

— En êtes-vous sûre ? demanda la marquise.

— Très-sûre… Je l’ai vu à cette place, il y a seulement quelques jours, et je ne le vois plus.

La prétendue marquise, horriblement désappointée, dut reconnaître elle-même que le précieux manuscrit n’était pas dans l’armoire.