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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Volontiers, car aussi bien le courage pourrait me manquer au dernier moment. Tromper un si digne frère ! Mon cœur se serre à cette pensée.

Elle versa encore quelques larmes ; mais Fanny l’embrassa, l’encouragea, lui remontra de nouveau les avantages de cet acte de vigueur, et fit si bien que Lucile, essuyant ses yeux, lui dit résolument :

— Venez, madame.

Elle alla d’abord fermer la porte de la maison ; puis, prenant la prétendue marquise par la main, elle lui fit monter un escalier qui conduisait à l’étage supérieur, et l’introduisit enfin dans la chambre de Raymond.

Une exquise propreté en faisait le principal ornement. Les meubles, rares et grossiers, consistaient en un lit de fer sans rideaux, quelques chaises de paille et la grande armoire de chêne qui contenait les effets les plus précieux de l’ancien sous-officier. Trois ou quatre lithographies, représentant des généraux de l’armée d’Afrique, étaient suspendues aux murailles, dans des cadres de bois peint. Devant la fenêtre, une vieille table à pieds tors était chargée de papiers timbrés et de pièces de procédure, car on n’a pas oublié que Raymond Fleuriot, pendant les loisirs que lui laissait le service du télégraphe, faisait des copies pour des hommes de loi du voisinage.

Fanny observait avec curiosité tous ces détails. Quant à Lucile, elle était pâle et tremblante. Comme elle ne pouvait parler, elle fit signe à sa compagne de prendre place sur une chaise, et se mit à chercher la clef de l’armoire. Elle la trouva dans un tiroir de la table de son frère, et véritablement on s’expliquait pourquoi Fleuriot ne se souciait pas de porter cette clef sur lui. Elle était grosse et lourde comme la clef d’une ville.

Une fois en possession de cet objet, la jeune maîresse d’école s’avança en chancelant vers l’armoire. Mais, au