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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

fois la parole expira sur ses lèvres. Enfin elle dit d’une voix si faible qu’on l’entendait à peine :

— Et si… je vous remettais ce livre des signaux… moi !

Fanny éprouva un tressaillement.

— Elle y vient ! pensa-t-elle.

Cependant elle composa son visage et dit avec tranquillité :

— Vous savez donc où il est, Lucile ?

— Ne vous ai-je pas confié déjà, madame la marquise, que Raymond l’enferme dans l’armoire de sa chambre et comme je sais où il cache la clef de cette armoire, il me sera facile…

Elle s’arrêta de nouveau.

— Y pensez-vous, mon amie ! votre frère est d’une extrême violence ; s’il venait à s’apercevoir de la disparition de ce registre, il pourrait se porter aux plus grands excès…

— Ce n’est pas cela que je crains… Lui, mon indulgent et généreux Raymond ! il ne saurait tourner sa colère contrę ma mère ou contre moi… mais il ne me pardonnerait jamais.

— Il faut aimer votre frère pour lui-même, mon enfant ; et, sans aucun doute, il sera le premier à vous remercier de votre hardiesse après le succès.

— Eh bien ! madame, puisque vous approuvez mon projet, je n’hésite plus… Je vous remettrai ce manuscrit… Et tenez, ajouta Lucile avec résolution, pourquoi attendre davantage ? Nous sommes seules ici ; personne ne viendra nous déranger à pareil jour… Je vais monter à la chambre de Raymond.

— C’est cela, dit Fanny ; vous avez du bon sens et de l’énergie, chère petite… Mais ne me permettrez-vous pas de monter avec vous ?