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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

cours des idées fut changé brusquement par cette question : que s’est-il passé ?

— Vous n’avez donc pas vu M. Raymond ? Il ne vous a fait aucune confidence ?

— Aucune.

— Eh bien, ma chère, toutes nos bonnes intentions à l’égard de votre frère s’en sont allées en fumée… Écoutez-moi.

Fanny raconta comment l’expérience télégraphique avait eu lieu la veille au Château-Neuf, et comment Fleuriot, refusant avec obstination de confier son manuscrit au vicomte, celui-ci refusait à son tour de se charger des intérêts de Raymond.

Lucile écoutait ces détails avec un douloureux étonnement.

— Mon frère est fou, complètement fou, dit-elle ; repousser les bons offices d’un protecteur aussi puissant, aussi dévoué que M. le vicomte ! Mais ils sont tous ainsi dans cette singulière administration, timorés, soupçonneux, ayant peur de leur ombre ? Chère madame, priez M. le vicomte de s’apaiser, de prendre patience ; tout n’est pas dit encore au sujet de mon frère. Ma mère et moi nous lui parlerons, et nous réussirons peut-être à le rendre plus traitable.

— J’ai bien peur, Lucile, que vous échouiez cette fois l’une et l’autre. M. Raymond montre tant de roideur, tant de ténacité dans sa résolution…

En effet, s’il s’est buté à ce point, répliqua Lucile avec découragement, nous n’obtiendrons rien de lui. J’ai remarqué que, dans certaines circonstances graves, les prières et les larmes n’ont d’autre résultat que de l’irriter… Mais alors que faire ?

La pauvre enfant prit sa tête dans ses mains et réfléchit profondément, tandis que Fanny l’observait à la dérobée. Deux fois Lucile se redressa et sembla vouloir parler, deux