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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Elle s’assit en poussant un profond soupir.

— Bon Dieu ! que voulez-vous dire, madame la marquise ? demanda la petite avec une naive inquiétude.

— Eh bien, ma chère Lucile, peut-être notre séjour à Puy-Néré ne se prolongera-t-il pas autant que nous l’espérions. Hector, en achetant cette propriété, avait, comme personne ne l’ignore, des projets d’agrandissement qui ne semblent pas pouvoir se réaliser ; et puis il est rappelé à Paris par de graves intérêts ; quant à moi, malgré mes velléités d’indépendance, je serai bien obligée de le suivre.

En écoutant ces nouvelles, Lucile ne put retenir ses larmes.

— Quoi ! madame, allez-vous nous quitter déjà ? s’écria-t-elle ; j’espérais que vous resteriez au moins jusqu’à l’époque de mon mariage pour m’accompagner à l’autel.

— En effet, petite dissimulée, dit la marquise avec un faible sourire, j’ai appris que vous deviez vous marier prochainement, et, si nous vous quittons, vous n’aurez guère le loisir de nous regretter… Enfin, profitons de l’heure présente, et laissez-moi tout à la joie de me trouver encore avec vous.

Elles commencèrent alors une longue et intime causerie, à laquelle Fanny apportait autant de ruse et d’adresse que Lucile de candeur et de sincérité. La jeune maîtresse d’école racontait l’histoire de ses innocentes amours avec le joyeux inspecteur des télégraphes. La châtelaine l’écoutait avec une complaisance affectée, et il était visible qu’elle attendait un autre sujet de conversation, sans oser le faire naître. Comme Lucile ne paraissait pas près de tarir sur le compte de Georges Vincent, Fanny demanda avec distraction :

— Ah çà ! chère petite, nous avons reçu hier la visite de votre frère… Et il vous en a dit sans doute le résultat ?

— Mais non, madame, répliqua la jeune fille, dont le