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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

vez, Cransac, que nous devons partager les bénéfices de cette affaire ? J’aurai le livre, je vous le promets.

— Et comment vous y prendrez-vous ? demanda le vicomte avec ironie.

— Bon ! Hector, allez-vous recommencer vos scènes de jalousie ridicule ? Pourquoi m’avez-vous amenée ici, sinon pour tourner la tête à ce jeune homme et le décider à nous abandonner le fruit de sa découverte ? Je suis dans mon rôle, ce me semble.

— Et ce rôle vous plaît, ma chère… Mais vous ne réussirez pas ; nous avons affaire à un de ces caractères que rien ne peut émouvoir.

— Laissez-moi tenter l’aventure… Aussi bien, si vous refusiez de me prêter assistance, je serais capable d’agir seule et pour mon propre compte.

— Ne parlez pas tant de votre indépendance, Fanny, et écoutez-moi… Brandin n’a envoyé aucun signal aujourd’hui ; c’est de mauvais augure, et peut-être cet homme est-il déjà arrêté au moment où je vous parle. S’il venait à me trahir, je serais arrêté à mon tour, et croyez-vous qu’alors vous n’auriez rien à redouter, vous ma compagne et ma complice ? Réfléchissez à tout cela, Fanny, et souvenez-vous que vos rêves peuvent avoir, avant demain, avant ce soir peut-être, un terrible réveil !

— Raison de plus pour nous mettre à l’œuvre sans perdre de temps.

Cransac, après avoir fait quelques tours dans le salon, se dirigea vers la porte.

— Eh bien ! où allez-vous donc ? demanda la jeune femme avec impatience.

— La dépêche que nous venons de surprendre au sujet des événements de Paris peut fournir à Colman l’occasion d’un bon coup de bourse à Bordeaux ; aussi vais-je lui envoyer cette nouvelle par un de nos pigeons messagers, en