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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Raymond s’inclina et se dirigea vers la porte. Comme il allait sortir, Fanny éperdue courut à lui et lui prit les mains :

— Malheureux jeune homme, qu’allez-vous faire ? dit-elle avec une émotion réelle ou feinte.

Puis, elle ajouta plus bas :

— Oh ! ingrat !… ingrat !… Raymond troublé, fasciné par cette enchantéresse, s’arrêta quelques secondes. On put croire qu’il hésitait, que son énergique détermination allait enfin fléchir ; mais tout à coup il se dégagea des étreintes de Fanny, la remercia par un signe éloquent, et s’éloigna d’un pas rapide, comme s’il eût craint encore de céder à une puissante tentation.

Après son départ, les deux associés demeurèrent quelques instants consternés et silencieux.

— Eh ! eh ! pas si bête ! dit enfin le vicomte avec un rire amer ; je croyais le tenir et il nous échappe.

— Oui, il a évité le piége sans même l’avoir soupçonné… Mais savez-vous, Hector, que la possession de ce livre des signaux aurait une valeur inestimable ? Ce n’est plus deux cent mille francs qu’il faudrait en demander à Colman, mais cinq cent mille, un million peut-être… et Colman les donnerait.

En effet, ce livre serait une véritable fortune. Avoir à soi les secrets de la diplomatie, de la finance, de l’administration !… De par tous les diables, ce niais orgueilleux et sentimental m’a poussé à bout ; j’hésitais à le jouer comme l’a joué cet adroit Ducoudray ; mais je suis irrité de son insolence, de sa méfiance opiniâtre… Avant mon départ, que je ne pourrai, je le crains, retarder beaucoup, je veux trouver un moyen pour m’emparer de ce précieux manuscrit.

— Je le trouverai, moi ! dit Fanny résolûment ; vous sa-