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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Le vicomte ne put retenir une violente expression de dépit, qui se réfléta sur le visage rose et souriant de Fanny.

— Comme vous voudrez, répliqua Cransac sèchement.

— Voyons, monsieur Fleuriot, reprit la prétendue mar quise avec son accent le plus séduisant, vous êtes trop timoré… Allez-vous annuler les bonnes intentions du vicomte par un refus qu’on pourrait attribuer à la défiance ?

— Ce n’est pas défiance, madame la marquise. Dieu m’est témoin que personne au monde ne m’inspire plus d’estime et de confiance que vous et M. de Cransac. Si l’honneur me permettait ce que vous me demandez, je n’hésiterais pas. Je vous en conjure donc, respectez l’un et l’autre des scrupules, peut-être excessifs et que je défendrais mal, mais qui me paraissent sacrés.

Tout en parlant, il s’était levé et avait glissé le livre sous son bras.

— Ainsi donc, monsieur le vicomte, demanda-t-il avec embarras, vous faites de la remise de ce manuscrit la condition rigoureuse de votre intervention dans mes affaires, et, si ma conscience me défend de céder à votre désir, je dois m’attendre…

— Eh ! reprit Cransac avec aigreur, comment voulez-vous que je porte, contre un homme puissant et honoré, une grave accusation dénuée de toute espèce de preuves ? Ce serait m’exposer à un insuccès dont la honte retomberait sur moi comme sur vous.

— En ce cas, monsieur le vicomte, reprit Fleuriot tristement, il me reste à vous remercier, vous et madame la marquise, de votre bienveillance, et je ne compterai que sur moi-même pour obtenir justice.

— À votre aise, dit Cransac.