Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

nouvelle ne présentait aucun intérêt général ; mais cette épreuve démontrait, aussi bien que la précédente, l’exactitude des assertions de Fleuriot.

— Vous lirez d’ici à deux jours dans les journaux de Bordeaux les dépêches dont il s’agit, dit-il avec chaleur ; je ne me suis pas trompé.

— Je vous crois, dit Cransac ; véritablement votre découverte est magnifique. Je vous en félicite, et, quant à moi, je ne négligerai rien pour vous faire obtenir la récompense nationale qui vous est due !

— Dites donc, s’écria Fanny avec un enthousiasme réel ou feint, que M. Fleuriot a du génie ! Quels merveilleux résultats ! C’est à confondre l’imagination… Monsieur Fleuriot, vous êtes un homme supérieur, et je vous admire de toute mon âme.

En même temps, elle lui tendit la main par un geste théâtral. Raymond saisit cette main, qu’il pressa convulsivement contre ses lèvres. Fanny la retira aussitôt, comme si elle regrettait de s’être abandonnée à son enthousiasme.

Il y eut un moment de silence. Chacun des deux associés se taisait, par crainte sans doute de trahir trop vite son ardent désir. Raymond était devenu tout à coup rêveur et soucieux.

— Eh bien ! monsieur Fleuriot, demanda Fanny de sa voix caressante, que comptez-vous faire maintenant ?

— Je le tuerai ! répliqua Raymond d’un air égaré.

— Eh ! bon Dieu ! qui donc voulez-vous tuer ?

Fleuriot parut sortir d’un songe.

— Excusez-moi, madame la marquise, et vous aussi, monsieur le vicomte, répliqua-t-il, je pensais à ce misérable Ducoudray ; je pensais qu’il est comblé de biens et d’honneurs, tandis que je vis pauvre, inconnu, oublié dans cette misérable bourgade… Et je veux tirer de cet infâme une terrible vengeance.