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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tenant compte de certaines particularités dont un homme du métier pouvait seul comprendre l’importance. Le vicomte et Fanny, placés derrière lui, l’observaient avec curiosité, mais gardaient le silence, de peur de causer à l’employé une distraction qui eût fait manquer l’épreuve.

Quelques instants se passèrent ainsi ; un grand nombre de signaux avaient été notés par Fleuriot, quand le télégraphe s’arrêta enfin et laissa tomber ses deux indicateurs verticalement, tandis que le régulateur demeurait dans la position horizontale, figure dont la valeur était connue même des personnes étrangères à la science télégraphique.

— La dépêche est finie, reprit l’employé, et il va y avoir encore une pause plus ou moins longue. À présent, tâchons de traduire en langue ordinaire les signaux que voici.

Et il ouvrit son vocabulaire.

— Pourvu qu’ils n’aient pas eu l’idée de changer les clefs ! reprit-il d’un air soucieux. Tout dépend de là… Voyons, ils signalent « la clef numéro 35… » Essayons-en.

Et il se mit à l’œuvre avec ardeur. Chaque signal l’obligeait à faire dans son livre de longues et souvent difficiles recherches. À cette époque, les vocabulaires télégraphiques étaient de trois sortes : 1o vocabulaire des phrases ; 2o des mots ; 3o des lettres, et fréquemment, dans une même depêche, les signaux de chaque catégorie se mêlaient si bien qu’on pouvait les confondre et leur attribuer des sens opposés. Pendant qu’il s’occupait de son travail, Fleuriot ne s’apercevait pas que le vicomte et Fanny s’étaient mis in sensiblement à le questionner sur les principes de cette mystérieuse langue. Oubliant ses scrupules et ses défiances, il leur exposait le mécanisme ingénieux de son système, il en développait tous les secrets avec l’inépuisable complaisance d’un inventeur.

Bientôt la dépêche télégraphique fut traduite tout entière. Elle était ainsi conçue :