Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Comme la machine allait se mettre en mouvement, Fleuriot dit avec embarras :

— Excusez-moi, monsieur le vicomte, si j’écoute trop certaines suggestions de ma conscience ; mais, au moment de tenter une épreuve qui, je le sens, est contraire à mon devoir, je ne saurais m’entourer de trop de garanties… J’ose donc vous demander, ainsi qu’à madame la marquise, votre parole d’honneur de ne jamais révéler les nouvelles que nous allons apprendre peut-être et qui sont le secret de l’État.

— Fanny partit d’un éclat de rire.

Me demander une parole d’honneur, à moi ! répliqua t-elle ; la chose est fort plaisante… Je vous la donne, mon sieur Raymond ; je vous en donne dix… je vous en donne cent. En ce qui me touche, les secrets de l’État seront bien gardés.

Cransac, au contraire, se redressa d’un air gourmé.

— Vous n’y pensez pas, monsieur, répliqua-t-il froidement. Les nouvelles politiques ou administratives ne m’intéressent pas, et, à supposer qu’elles aient de l’importance, quel usage pourrais-je en faire dans ce pays désert, sans communications avec le reste du monde ? Réfléchissez donc un peu et voyez si une parole d’honneur en pareille circonstance ne serait pas chose ridicule autant qu’inutile !

— C’est juste, monsieur le vicomte, dit Fleuriot tout contrit ; et pardonnez-moi si j’ai pu exagérer ainsi le sentiment de ma responsabilité… Mais, ajouta-t-il aussitôt, soyons attentifs ; Morisset marche déjà.

En effet, la machine de la tour Verte venait de se remettre en mouvement et les signaux se succédèrent avec rapidité.

Fleuriot étudiait avec un soin méticuleux les diverses positions que prenaient successivement les bras du télégraphe, et il les reproduisait d’un trait de plume sur le papier, en