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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

me tenter, me forcer la main ! Son immense stupidité pourrait seule maintenant me donner des scrupules.

— Vos scrupules n’ont pas le sens commun, répliqua Fanny avec aigreur, et je dois vous prévenir, Hector, que vous ne brillez pas dans toute cette affaire. Que deviendriez-vous sans moi, avec vos irrésolutions ridicules, vos craintes puériles ? Cependant, le véritable héros dans tout ceci, c’est ce bon gros Colman, l’inventeur du plan ingénieux que nous exécutons. Comme tout est prévu, merveilleusement combine ! Nous n’avons presque pas d’efforts à faire, nous allons atteindre le but par la force même des choses. Maintenant, si l’expérience du télégraphe réussit, nous sommes assurés du succès de notre mission.

— Cependant, j’entrevois encore bien des difficultés, et le moindre retard peut amener une catastrophe.

— Bah ! vous voyez tout en noir, Hector. Ce n’est pas avec de pareilles hésitations, de pareilles faiblesses, que Colman a gagné ses millions… Mais rien ne s’oppose à ce que nous menions lestement les choses… Et, tenez, notre pauvre dupe y met elle-même toute l’activité possible… La voici déjà de retour.

En effet, Fleuriot n’avait fait qu’un bond du Château-Neuf à sa demeure, qui du reste n’était pas éloignée, et il accourait en dissimulant sous sa redingote un livre assez volumineux.

— La demi-heure de repos est sur le point d’expirer, dit il ; hâtons-nous.

Une table fut approchée de la fenêtre, d’où l’on apercevait distinctement le télégraphe et sa tour. Sur cette table on déposa une plume, de l’encre, du papier, et Fleuriot prit place, après avoir verrouillé lui-même la porte du salon. Cransac et Fanny se tinrent debout à ses côtés, lui toujours calme et froid en apparence, elle tremblant d’impatience et les narines gonflées.