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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Cette voix enchanteresse ne manqua pas son effet, encore cette fois, sur l’honnête employé. Il parut tout honteux de sa simplicité devant ces gens du monde si pleins d’aisance et de naturel.

— C’est vrai, madame la marquise, répondit-il ; je suis habitué à la consigne militaire, voyez-vous, et j’exécute les ordres à la lettre… Eh bien ! ajouta-t-il d’un ton résolu, je vais vous montrer que je ne mérite pas plus vos railleries que les soupçons de M. le vicomte… Cette expérience que je n’ai jamais osé faire, je vais la tenter à l’instant… ici même, si vous le permettez.

— Oui, oui, cela m’amusera, dit Fanny en battant des mains.

Raymond désigna, par la fenêtre ouverte, le télégraphe dont on voyait les bras se dessiner immobiles sur l’azur lu mineux du ciel.

— Tenez, dit-il, Morisset vient de faire un signal dont nous connaissons la valeur, car il intéresse la police de la ligne. Ce signal annonce un repos d’une demi-heure. Je vais profiter de cet intervalle pour aller chez moi chercher mon livre, et quand le télégraphe se remettra en mouvement, nous essayerons de déchiffrer la dépêche qui passera… Y consentez-vous, monsieur le vicomte ?

— Soit, répondit Cransac, qui eut la force de montrer encore une complète indifférence.

— Oh ! comme ce sera divertissant ! s’écria Fanny ; vous m’expliquerez tout, n’est-il pas vrai, monsieur Fleuriot ? Je suis si curieuse !

Et elle accompagna ces mots d’un regard qui eût vaincu les dernières hésitations de Raymond, s’il en eût conservé. Il sortit avec précipitation, en annonçant son prochain retour.

Cransac était demeuré immobile au milieu du salon.

— Le sot ! disait-il avec mépris ; je voulais l’épargner à cause du service qu’il m’a rendu hier, et le voilà qui vient