Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

n’anéantit l’exemplaire principal. Cette copie, dont Du coudray a toujours ignoré l’existence, je la possède encore.

En entendant cet aveu tant désiré, Fanny et le vicomte lui-même eurent peine à retenir un cri de plaisir. Ils échangèrent un regard triomphant ; toutefois, ni l’un ni l’autre n’osait parler, de peur que son accent ne trahit le trouble de son esprit.

— Ce sera en effet un argument décisif, dit enfin le vicomte avec une tranquillité affectée ; mais le système actuel de signaux télégraphiques est-il vraiment celui que vous avez inventé ?

— Je l’ignore… Cependant, bien des fois en manœuvrant mon télégraphe, j’ai cru reconnaitre des signaux dont j’a vais prescrit l’usage…

— Et vous n’avez jamais essayé de les traduire au moyen de votre vocabulaire ?

— Jamais. Quand nous entrons dans l’administration, on nous fait prendre l’engagement de ne pas chercher à pénétrer et de ne révéler à qui que ce soit le secret des dépêches. L’épreuve dont vous parlez eût été contraire à mon devoir et je n’ai jamais osé la tenter.

— Mais alors comment établir la fraude dont vous vous

plaignez ? N’êtes-vous pas dupe d’une de ces illusions d’amour-propre auxquelles la plupart des hommes sont sujets ?

Ce soupçon fit rougir Fleuriot, et un éclair de colère brilla dans ses yeux. Fanny s’empressa d’intervenir :

— Véritablement, monsieur Fleuriot, dit-elle de son ton le plus caressant et le plus câlin, Hector a raison ; vous poussez trop loin les scrupules, et votre devoir n’exige pas tant. Quoi ! vous vous croyez victime d’une odieuse injustice et vous reculez devant une innocente épreuve pour vous assurer si cette injustice estou n’est pas réelle ? Pardonnez-moi, mais, à mon avis, c’est là de l’enfantillage.