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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

traitable en ce qui concerne le secret des dépêches. Tout lui fait ombrage : dans la démarche la plus innocente, elle voit l’intention de pénétrer les affaires de l’État. Elle nous interdit, à nous autres employés subalternes, toutes observations, tous commentaires sur les signaux que nous avons mission de transmettre. Nous sommes seulement des machines auxquelles il est interdit d’examiner et de réfléchir. Au moindre soupçon, on nous congédie impitoyablement… Vous voyez donc, monsieur le vicomte, pourquoi je tiens à ne pas mèler M. Vincent, qui, en effet, sera bientôt mon beau-frère, aux récriminations que je compte élever contre ce Ducoudray, notre supérieur à tous. Si Vincent embrassait trop chaleureusement mes intérêts, il pourrait être considéré comme mon complice, partager la réprobation dont je serais frappé. Vous, au contraire, vous êtes riche, considéré, indépendant ; vous pouvez vous faire le défenseur du faible contre le fort sans aucun risque pour vous.

— Eh bien ! supposons que je sois disposé à prendre en main votre cause : je ne peux lancer contre ce M. Ducoudray, fonctionnaire éminent de votre administration, une accusation aussi grave sans preuve à l’appui ! Or, Ducoudray, qui a été capable d’une pareille action, sera sans doute aussi capable de la nier. Comment convaincrai-je vos chefs que vous êtes vraiment l’auteur du système télégraphique présenté par Ducoudray ?

Le vicomte avait prononcé lentement ces dernières pa roles, comme s’il attachail une extrème importance à la réponse qu’il allait recevoir. Fanny elle-même, le cou tendu, l’œil fixe, respirait à peine.

Raymond sourit.

— Je donnerai, répliqua-t-il, la preuve la plus positive et la plus nette de la vérité de mes assertions. Quand je confiai à ce traître Ducoudray le livre de signaux écrit d’après mon système, j’en avais une copie, de crainte qu’un accident