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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

crédit à Paris, il invoque votre protection, afin de lui faire obtenir justice, s’il y a lieu… J’ai promis que vous ne négligeriez rien pour atteindre ce but, et vous ne me désavouerez pas, Hector, n’est-il pas vrai ?

En parlant ainsi, elle lançait un regard expressif au vicomte ; mais celui-ci ne parut pas s’en apercevoir et détourna la tête.

— Vous savez, Fanny, répliqua-t-il, que je songe sérieusement à quitter Puy-Néré, où la stérilité du pays ne me permet pas de créer une grande propriété comme j’en avais le projet. Cependant, voyons ! de quoi s’agit-il ?

Ainsi encouragé, Raymond Fleuriot raconta le tour infame que lui avait joué l’inspecteur Ducoudray.

— Je suis un ancien soldat, monsieur le vicomte, acheva-t-il d’un ton mâle, et ma première pensée a été de ne recourir à personne pour venger mon offense, de me rendre à Paris, de châtier ce misérable. Mais ma mère et ma sœur en ont jugé différemment ; ce sont elles qui m’ont déterminé à m’adresser à vous, car aussi bien, hier encore, vous m’avez offert obligeamment vos services.

Le vicomte avait écouté avec attention ce récit, qui confirmait toutes les assertions de Colman, et il entrevoyait la possibilité de réaliser son ancien plan sans délai. Toute fois, il ne se départit pas de son apparente froideur et répliqua :

— Mon intervention dans le cas dont il s’agit, monsieur Fleuriot, ne saurait vous être d’un grand secours, car je suis étranger à votre administration. Pourquoi ne vous adresseriez-vous pas plutôt à cet inspecteur qui se trouvait hier ici et qui, m’a-t-on dit, fera bientôt partie de votre famille ? Il est votre protecteur naturel et il a qualité pour réparer le mal causé par son prédécesseur.

— Je n’ai pourtant pas voulu lui dire un mot de cette malheureuse histoire, monsieur le vicomte. Vous ne savez pas combien notre administration est méfiante, jalouse, in-