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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— De la compagnie ! Et qui peut-elle recevoir dans ce pays perdu ?

— Perdu ! M. le vicomte a bien raison… Personne à qui parler, et si j’avais su avant de quitter Bordeaux…

— C’est bon, interrompit Cransac avec impatience ; enfin quelle est cette visite :

— Je ne sais trop… un de ces hommes du télégraphe, je crois… Il vous a demandé et madame la reçu.

— Y a-t-il longtemps qu’il est ici ?

— Plus d’une heure… Ensuite c’est ce qu’il y a de mieux à Puy-Néré, où l’on ne rencontre que des paysans… Un assez beau garçon, avec de grands yeux et une moustache noire.

— Il suffit, je vais voir.

Et Cransac se dirigea d’un pas rapide vers le salon. Il avait deviné Raymond Fleuriot dans le visiteur, et, en dépit de lui-même, il éprouvait une certaine émotion. Arrivé devant la porte, il s’arrêta quelques secondes pour reprendre haleine. On n’entendait rien, à peine un murmure de voix qui se confondait avec le léger bruissement venu du dehors. Cédant à un transport impétueux, il poussa la porte et entra comme un ouragan.

Le salon était plongé dans une demi-obscurité, les persiennes demeurant fermées à cause de la chaleur. Aussi Cransac, qui venait de passer du grand jour à ces ténèbres relatives, ne distingua-t-il d’abord que vaguement les objets et les personnes. Cependant il put reconnaître que Fanny, en élégant et vaporeux négligé, occupait une chaise longue, tandis que Fleuriot était assis dans un fauteuil tout près d’elle. Sans rien dire, il courut à une fenêtre et l’ouvrit ; aussitôt un flot de lumière pénétra dans la pièce.

Raymond avait mis ses plus beaux habils pour cette visite, et, malgré la simplicité de ce costume, sa distinction naturelle lui donnait l’apparence d’un homme du monde. Il s’était levé précipitamment à l’arrivée d’Hector, et demeu-