Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tient pas. J’ai, en effet, quelques pigeons dans ma volière, mais ils ne sortent jamais, à moins qu’ils ne s’échappent, Aurais-tu dit à quelqu’un, par hasard, que je possède des pigeons de cette espèce ?

— Non, monsieur ; on ne cause pas comme cela avec M. Morisset ; il vous flanque des taloches si on l’ennuie… Ce n’est pas comme M. Fleuriot ; celui-là ne répond pas toujours lorsqu’on lui parle ; mais, s’il répond, ce ne sont que des bonnes paroles.

— Morbleu ! ne t’avise jamais de dire que j’ai des pigeons fuyards dans ma volière ; d’abord parce que cela n’est pas ; tu as mal vu ; mes pigeons sont de la même espèce que ceux du pays… Et puis je n’entends pas que l’on s’occupe de ce qui se passe chez moi. Si donc tu te permettais de répéter une chose si contraire à la vérité, je le saurais bien tôt et je t’en ferais repentir. Tu désires sans doute passer employé définitif dans ton administration ?

— Je crois bien ! ma mère et moi nous ne parlons que de cela tous les soirs !

— Eh bien ! si tu prononçais un seul mot à ce sujet, non-seulement je t’empêcherais d’être nommé employé mais encore je te ferais destituer de tes fonctions de surnuméraire. Morbleu ! je ne souffre pas qu’on calomnie ainsi mes pigeons !

Cransac avait enflé sa voix et roulé des yeux formida bles. Bascoux était frappé de terreur, et, dans son igno rance des usages, il croyait avoir commis une faute énorme.

— Je n’ai pas voulu manquer de respect à « messieurs » vos pigeons, répliqua-t-il humblement, mais, puisque cela vous déplait, je ne soufflerai mot, je vous le jure…

— Ni à Fleuriot, ni à Morisset… ni à personne ?

— À personne, monsieur vicomte ; ne vous fâchez pas.

— À la bonne heure… Et tiens, afin que cette promesse se grave bien dans la mémoire, voici quelque chose pour toi.