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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Hector, déjà retombé dans ses rêveries, ne répondait pas ; cela ne faisait pas le compte de son jeune compagnon, qui était fort causeur de sa nature.

— Ah ! mais vous l’avez joliment payé, le chien, continua Bascoux, et M. Morisset n’avait jamais eu autant d’argent… Aussi était-ce bien mal à lui de tuer, le soir même, un de vos pigeons… Et si vous lui faisiez payer, vous, à votre tour ?

Le vicomte tressaillit.

— Un de mes pigeons ? demanda-t-il en regardant Bascoux. Que me dis-tu là ?

Le surnuméraire comprit qu’il avait lâché une sottise, et répliqua avec embarras :

— N’avez-vous pas des pigeons dans cette maisonnette qui est au fond de votre jardin ? Plusieurs fois, de la terrasse du télégraphe, j’en ai vu qui s’envolaient ; je les ai remarqués parce qu’il n’y a que vous qui ayez cette espèce là dans le pays… Les vôtres sont de la race des fuyards, tandis qu’on n’élève ici que de gros pigeons pattus, parce qu’il y a plus à manger… J’en ai élevé, moi, quand j’étais petit.

— Et tu assures que l’employé Morisset a tué hier un de mes pigeons d’un coup de fusil ?

— Certainement, à preuve que c’était un fuyard et qu’il était tout blanc, et Morisset аa dû le faire cuire avec des haricots pour son dîner.

Ce pigeon n’avait-il rien de remarquable quand on l’a tué ?

Je ne crois pas ; je l’ai vu, et ma foi ! il était tout comme un autre… Ensuite M. Morisset ne veut pas qu’on en parle, parce qu’il est défendu de tirer sur des pigeons, et on pourrait lui faire un procès. Peut-être même ai-je eu tort de vous dire…

— Ni toi ni Morisset vous n’avez rien à craindre de moi, répliqua le vicomte avec fermeté ; cet oiseau ne m’appar-