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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Bascoux, ce jour-là, avait ses habits des dimanches, pantalon, gilet, et veste de gros drap bleu, et une casquette neuve dont le gland de laine pendillait sur son oreille. Sa veste était munie par derrière de deux poches béantes qui occupaient toute la largeur des basques. Ainsi équipé, il représentait assez bien un fonctionnaire public en herbe aux yeux des passants, et il ne semblait pas peu fier de lui même.

Le vicomte lui dit d’un ton d’indulgence railleuse :

— Ah ! c’est donc toi, mauvais garnement, qui franchis ainsi les haies pour aller en maraude ? Qu’arriverait-il, si à ma place tu avais rencontré le père Bournichon, comme tu l’appelles ? Un autre fois, quand tu voudras manger du raisin, entre dans une de mes vignes… Tu courras moins de risques, je te le promets.

Bascoux semblait un peu confus de son escapade ; toute fois il répondit gaillardement :

— Merci bien, monsieur vicomte, je n’y manquerai pas la première fois que je passerai par là… Je connais plusieurs plants de muscat dans votre vigne de la Réserve… et vous n’êtes pas vilain comme Bournichon.

Cransac s’était remis en route ; Bascoux marcha sans façon à son côté, en picorant les grappes qui lui coûtaient si peu.

— Et d’où viens-tu maintenant, mon garçon ? demanda Hector distraitement.

— Ah ! je vais vous dire, monsieur vicomte, répliqua Bascoux. Ce matin j’ai accompagné l’inspecteur, qui se rendait au poste de Marette, à trois lieues d’ici… C’était moi qui portais le sac d’argent pour payer les employés, comme c’est l’usage, si bien que M. Vincent m’a donné dix sous pour ma peine… Et à présent je retourne au télé graphe, vu que M. Morisset a dû prendre le service à midi. Vous connaissez M. Morisset ? Un grand maigre… dont vous avez tué le chien !