Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Alors ce pigeon ne peut venir de Paris, dit Georges Vincent avec réflexion, ou le message ne saurait concerner la loterie et la Bourse, car la loterie se tire à deux heures à Paris et la Bourse ne finit qu’à trois… N’importe, Morisset, poursuivit-il, je vais prendre ce ruban et ce billet, je les joindrai à une note où je relaterai toutes les circonstances de votre trouvaille, et ces messieurs de l’administration essayeront de tirer l’affaire au clair… Jusque-là, je crois que vous pouvez en toute sûreté de conscience manger votre pigeon, en compote ou aux petits oignons, à votre choix.

— Je n’y manquerai pas, monsieur, répliqua Morisset en se grattant l’oreille ; cependant, s’il résultait de tout ceci quelque découverte, vous serez bien gentil de glisser un mot en ma faveur pour me faire passer employé de première classe. On est si peu payé et l’on a tant de mal à vivre !

— Bon, bon ; je vous recommanderai, s’il y a lieu, dit Georges Vincent ; soyez tranquille… Maintenant, adieu, mon cher Morisset ; je pars demain, et je désire passer cette soirée… en famille.

— En famille ? répéta l’employé en clignant des yeux et en ricanant. Ah ! ah ! monsieur l’inspecteur, je savais bien que ça finirait ainsi. Eh bien ! tout est pour le mieux… Bonsoir donc, monsieur l’inspecteur, et bon voyage… Bon soir, monsieur Fleuriot, mon collègue… et la compagnie. Je vous laisse… en famille, eh ! eh ! eh ! Parbleu ! je le sa vais depuis longtemps… On n’est pas aussi grossier que son habit !

Morisset, pour saluer, retira sa jambe en arrière et sortit à reculons, sans cesser de rire et de cligner des yeux.

— Singulier homme ! dit Vincent quand il fut parti ; on ne sait ce qui domine en lui de la bêtise ou de la finesse… Le fait est que ce pigeon messager peut mettre sur la voie de quelque manigance secrète.