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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

de ma tête ; ma foi ! ennuyé de n’avoir pas eu jusque-là l’occasion de décharger mon fusil, j’ai tiré un peu au ha sard, et il m’est tombé… un pigeon !

— Un pigeon ! répéta Vincent avec humeur ; s’il ne vous est pas tombé tout rôti, je ne vois rien là de miraculeux.

— Il n’était pas rôti, pour sûr, et pourtant, monsieur l’inspecteur, ce n’est pas un pigeon comme un autre. Il était attifé d’une manière qui donne à penser, et peut-être y a-t-il de la diablerie là dedans.

En même temps Morisset tira de son carnier un beau pigeon blanc, aux pattes rouges, qui semblait fraichement tué, et le fit passer sous les yeux des assistants. Georges, qui s’impatientait, daigna à peine y jeter un coup d’ail.

— Eh bien, reprit-il, accommodez votre gibier à la crapaudine et n’en parlons plus.

— Mais, monsieur l’inspecteur, vous ne voyez donc pas ce que cette volaille porte à la patte ?

Et il désignait un léger ruban de soie, de couleur blanche, enroulé autour de la patte du pigeon, de manière toutefois à ne pas gêner les mouvements de l’oiseau.

— Bon ! répliqua Vincent, c’est sans doute un pigeon qui revient de la noce, et il porte, selon l’usage, un morceau de la jarretière de la mariée.

Tout le monde se mit à rire ; mais Morisset ne se déconcerta pas.

— Croyez-vous ? demanda-t-il flegmatiquement ; cepen dant, à mon avis, monsieur l’inspecteur, ce n’est pas à la noce que le gaillard a pu se procurer cet autre affiquet-là.

Soulevant l’aile du pigeon, il montra un billet, en papier extrêmement fin, attaché avec un fil et presque caché dans les plumes.

Cette fois, les rires cessèrent, et tout le monde s’approcha