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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

son supérieur ; aussi reprit-il bientôt, en exagérant encore son air de simplicité :

— Faut bien faire quelque chose, et comme M. Fleuriot était de garde cet après-diner à la boutique, je suis allé me promener en plaine… C’est bien triste de chasser sans chien, d’autant plus que Grélu était pour moi un compagnon et un ami !… Ensuite, le bon monsieur du château m’a envoyé cent francs à cause du malheur de ce matin, et certainement la bête ne valait pas ça… Pauvre Grélu ! Ce que c’est que de nous !

Morisset soupira et avala un verre de vin.

— Ah ! oui, dit Georges Vincent, Fleuriot m’a conté l’affaire. Il est généreux ce vicomte de Cransac, votre nouveau châtelain ! Payer cent françs un animal enragé qui, en dépit de ce brave Raymond, lui a causé une telle frayeur ! Du reste, cela ne m’étonne pas, si ce M. de Cransac est le même qu’un jeune étourdi qui, il y a quelque temps, faisait grand bruit à Paris, et jetait l’argent par les fenêtres.

— Ah ! monsieur Vincent, demanda Lucile avec curiosité, auriez-vous connu M. de Cransac à Paris ?

— Je sais seulement que, à l’époque dont je parle, un jeune homme de ce nom était un des viveurs les plus renommés du boulevard de Gand… Mais je n’appartenais pas à ce monde-là, moi pauvre diable, et je ne pourrais dire s’il y a identité de personnes… En revanche, si madame Fanny de Grangeret n’était pas une grande dame, si elle n’était pas veuve d’un marquis, si elle ne jouissait pas d’une fortune considérable, j’aurais des raisons d’affirmer qu’elle a été… tout autre chose.

— Quoi ! monsieur Vincent, demanda Raymond avec chaleur, pouvez-vous vous exprimer si légèrement sur le compte de la marquise de Grangeret ? Vous êtes dupe sans doute de quelque ressemblance fàcheuse, car madame la marquise est la meilleure, la plus digne et la plus charitable dame qui ait jamais paru dans ce pays !